Récemment déléguée au Comité de Bassin Adour Garonne comme représentante FNE-NA, j’aimerais vous parler de mon intérêt pour l’eau
Le premier déclic : lorsque j’ai acheté une maison en Corrèze bordée d’une prairie qui à l’époque (il y a dix ans seulement, mais le phénomène devient plus rare désormais) passait plusieurs semaines de printemps sous 3 ou 4 centimètres d’eau avec, en son centre, une vague dépression dans laquelle des batraciens venaient se reproduire. Mon premier réflexe d’urbaine ayant décidé de vivre dans une campagne reculée fut d’envisager le drainage de la parcelle. Avec un regard sévère, le maire me renvoya à la Police de l’eau : une découverte pour moi. Qu’il y ait une instance dédiée à la protection de l’eau ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Quelques renseignements pris, cette petite zone humide de tête de bassin, je sus qu’il fallait la protéger à tout prix : un cadeau en fait ! Pourtant, dans les communes qui m’entourent, j’en vois disparaitre chaque année dans des chantiers agricoles surtout : mais que fait la police (de l’eau) ?
C’est pour protéger les zones humides que je me suis intéressée à un projet de barrage sur la Dordogne qui en détruirait 52 ha et que j’ai accepté la présidence de l’association « Réfléchir et Informer sur la STEP de Redenat » ; STEP voulant dire ici : Station de Transfert d’Electricité par Pompage, un projet d’hydroélectricité que FNE recensait en 2014 dans sa liste des « grands projets inutiles et imposés ». Au-delà du local, c’est la vie aquatique du fleuve qui est menacée en raison d’éclusés inévitablement chargés de sédiments et pollutions diverses. J’ai découvert ainsi la question des grands barrages hydroélectriques, leurs effets de dénaturation des rivières et des milieux aquatiques, la séquestration de l’eau dans d’immenses retenues, sa gestion au profit d’autres usages que l’énergie : une périlleuse artificialisation de notre potentiel hydrologique qu’il va désormais falloir gérer avec un grand sens du partage et un meilleur respect de la vie aquatique pour garantir une qualité d’eau satisfaisante pour tous et pour tous les usages.
Avec Corrèze Environnement je me suis enrichie de bien d’autres thématiques avec les zones vulnérables à la pollution aux nitrates, les aires protections de captages d’eau potable, les enjeux de rétablissement de continuités écologiques, les projets de création de retenues de substitution et les tensions qu’ils provoquent. Avant cela, quelques années d’enseignement de l’Economie de l’Environnement en lycée agricole (BTS Gestion et Protection de la Nature) m’ont familiarisée avec les cadres institutionnels et jeux d’acteurs concernant l’eau ainsi qu’à la puissance du génie écologique pour mettre en œuvre des solutions que l’on dit « fondées sur la nature ».
Elue depuis 2014 au Conseil Municipal d’une petite commune rurale de tête de bassin à la limite du Cantal et représentante depuis 2020 à son Syndicat Intercommunal des Eaux, je suis connectée aux questions de gestion quantitative de l’eau ; pays d’arène granitique qui s’assèche à la moindre canicule estivale avec disparition du petit chevelu hydrographique et rupture de l’approvisionnement en eau potable obligent à recourir à de coûteux et délicats citernages d’eau depuis la station de traitement sur la Dordogne à quelques dizaines de kilomètres en aval. Viennent alors les questions de la restructuration de la ressource en eau, du prix de l’eau, de la migration prochaine de cette compétence vers la Communauté de communes, les interrogations sur sa « remunicipalisation » et la nécessité de réappropriation de toutes ces questions par les citoyens.
Lorsque j’ai eu l’opportunité de représenter FNE-NA au comité de bassin, je me suis sentie prête à m’investir et creuser encore ce sujet passionnant aux multiples entrées, porter les messages de la Fédération et participer à la gestion commune d’un bien que nous devons continuer de restaurer, protéger et chérir comme notre milieu originel et indispensable à toute forme de vie. L’eau est de notre responsabilité à tous et nous ne la préserverons qu’en trouvant ensemble, tous usagers confondus, les moyens d’en user avec parcimonie et respect, en parvenant à la restituer en bon état à un milieu naturel sur lequel nous devons compter pour l’infiltrer, la stocker et la restituer lentement : notre meilleur allié face à tous les changements.
Annick BENAZECH, nommée au comité de Bassin Adour-Garonne pour FNE NA
Témoignage recueilli en mai 2021